mercredi 26 juillet 2017

La crise du Qatar

Depuis le 5 juin dernier, juste avant la visite de Donald Trump, l'Arabie Saoudite suivie par ses alliés: les Émirats arabes unis, l'Égypte et Bahreïn, la Mauritanie, les Maldives, les Comores et l'île Maurice; ils annoncent la rupture de leurs relations diplomatiques avec le Qatar. Le chef de cette coalition leur fait alors parvenir une liste de 13 demandes. Depuis, le Qatar vit une situation de quasi-siège, ayant vu toutes son unique frontière terrestre avec son puissant voisin être fermé, ainsi que toutes les voies maritimes et aériennes avec les pays membres de la coalition. Comparables aux demandes de 1914 formulés par l'Autriche-Hongrie à la Serbie? Ces accusations de terrorisme sont-elles justifiées? La plupart des analystes tentent de les modérer, pointant toutefois du doigt une rivalité vieille de plusieurs décennies entre l'Arabie Saoudite et le Qatar.

D'abord, quelles sont-elles ces 13 demandes? Et bien, plutôt que de les évoquer, les voici d'abord au texte:
  1.  Réduire les relations diplomatiques avec l’Iran, fermer ses missions diplomatiques en Iran. Expulser les membres de la Garde révolutionnaire et mettre fin à toute coopération militaire avec l’Iran. Seuls les échanges commerciaux qui entrent dans les limites des sanctions américaines et internationales sont permis.
  2. Rompre tous liens avec les organisations terroristes idéologiques et sectaires, particulièrement les Frères musulmans, l’État islamique, Al-Qaïda, HTS Hayy’at Tahrir al-Sham (Assemblée de la libération du Levant) et le Hezbollah libanais [Hamas n’est pas dans la liste]. Déclarer formellement que ces entités sont des groupes terroristes.
  3. Fermer Al-Jazeera et ses stations affiliées.
  4. Fermer les organes de presse que le Qatar finance, directement ou indirectement, y compris Arabi21, Rassd, Al-Araby Al-Jadeed et Middle East Eye.
  5. Mettre immédiatement fin à toute présence militaire turque au Qatar et interrompre toute coopération militaire avec la Turquie à l’intérieur du Qatar.
  6. Stopper par tous moyens le financement d’individus, groupes ou organisations qui ont été désignés comme groupes terroristes par l’Arabie saoudite, les Émirats, l’Égypte, le Bahreïn, les USA et les autres pays.
  7. Livrer les terroristes et les personnes recherchées par l’Arabie saoudite, les Émirats, l’Égypte, le Bahreïn à leurs pays d’origine, bloquer leurs avoirs, apporter toute information nécessaire sur leur lieu de résidence, leurs finances et leurs mouvements, et renoncer à en accueillir d’autres dans le futur.
  8. Cesser toute interférence dans les affaires internes d’états souverains. Cesser de donner la nationalité à des citoyens recherchés par l’Arabie saoudite, les Émirats, l’Égypte, le Bahreïn. Révoquer la citoyenneté qatarie des nationaux qui ont violé les lois de ces pays.
  9. Arrêter tout contact avec l’opposition politique en Arabie saoudite, Émirats, Égypte et Bahreïn. Remettre tous les dossiers détaillant les contacts et le soutien du Qatar à ces groupes d’opposition.
  10. Payer des réparations et compensations pour les vies humaines perdues et autres pertes financières causées par la politique du Qatar ces dernières années. Les montants seront déterminés en coordination avec le Qatar.
  11. Consentir à des audits mensuels pour l’année à venir et se conformer aux demandes, puis une fois par trimestre la seconde année. Et pour les 10 années suivantes, le Qatar sera surveillé annuellement.
  12. S’aligner aux autres États du Golfe et aux pays arabes militairement, politiquement, socialement et économiquement, ainsi que sur des aspects économiques, conformément aux accords de 2013 et 2014 avec l’Arabie saoudite.
  13. Se conformer à toutes ces demandes dans un délai de 10 jours suivants le jour où elles ont été soumises au Qatar, sinon la liste est annulée.
D'entrée de jeu, le Qatar, ne reconnaissant pas le leadership de l'Arabie saoudite depuis longtemps, jouant ses propres cartes avec des moyens financiers considérables: influence de la politique européenne (particulièrement de la France), Printemps arabes, conciliants avec les Frères musulmans, tolérants vis-à-vis de l'Iran; est une gêne permanente pour l'Arabie saoudite. À la lecture, elle veut faire taire également son influence médiatique planétaire, mais plus particulièrement dans le mon arabo-musulman, via son empire de médias. Sujet de scandale, il va s'en dire, pour l'élite journaliste qui nous relayent ces informations. C'est bien sûr une source de compétition contre la chaîne saoudienne Al-Arabiya. Mais à la lecture de ses demandes, on se rend compte que c'est ni plus ni moins la fin de toute indépendance du Qatar, environs 2 millions d'habitant, contre environ 30 de son voisin pétrolier. 

Ce conflit géopolitique majeur a aussi pour trame de fond la crainte par l'Arabie saoudite d'une hégémonie régionale de l'Iran, ennemi millénaire, qui s'est serti d'une ceinture de protection de 4 pays: Irak, Syrie, Liban et le Yémen. Le Yémen, depuis 2015 est présentement ravagé par un conflit où elle participe et qui vise à rétablir un gouvernement pro-sunnite, alors que le pouvoir avait été repris par des rebelles pro-chiites. Le royaume saoudien se sentant encercler, mettrait alors au pas son petit voisin dissident? Au prise avec une situation des finances publiques catastrophiques suite à la baisse du baril de pétrole, entendue avec Obama dans le but de nuire à la Russie en Ukraine, et grevés des frais de guerre au Sud. Arabie saoudite, exacerbée?

Les États-Unis n'étant plus les gendarmes de la région; Trump jetant de l'huile sur le feu par ses politiques et ses envolées erratiques. Ces événements pourraient-ils en amener d'autres, plus graves, dans cette région toujours instable? Préfigureraient-ils une transformation du régime saoudien, où le vieux roi de 82 ans a nommé un prince héritier de 31 ans, Mohammed ben Salmane réputé impulsif et même agressif; avec son explosion démographique, la fin graduelle de sa rente pétrolière, l'embrasement au Yémen, en une dictature militaire?




Références:
Photos: Courrier International
Can Qatar-Gulf rift be repaired?
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Crise du Golfe: Tillerson rencontre le quartet anti-Qatar
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