« Que chacun raisonne en son âme
et conscience, qu’il se fasse une
idée fondée sur ses propres
lectures et non d’après les racontars
des autres. » Albert Einstein
J'ai pensé ces jours-ci. Je suis devenu pessimiste pour l'avenir. Cette fois-ci, je ne reprendrai pas dans mon blogue des contenus des autres, mais permettez-moi de dire ce que je pense. Pas un mauvais roman, une anticipation vaseuse qui se veut alarmiste. Mais simplement une réflexion qui veut prévenir en mettant en perspective de nombreux faits, déjà inquiétants pris séparément, et qui mis en communs peuvent effectivement provoquer certains frissonnements : déclin des ressources naturelles et bouleversements climatiques, déclin démographique, baisse globale des richesses, montée des extrêmes. Cette conjonction de misères, que nous apporterait-elle?
« C'est le soir et c'est l'ardoise où
les pipis de bonne volonté crossettent
les piments dérisoires du scientiste. »
Claude Gauvreau, Sentinelle-onde
Notre Terre, la denrée rare en elle-même
Les changements climatiques sont là. Qu’apporte la science si on ne l’écoute pas? Nous sommes habitués, depuis les millénaires des Glaces où nous sommes sortis de nos grottes, au délicieux confort acclimaté qui nous a permis de nous développer comme aucun égal. Des pyramides jusqu’à aujourd’hui la somme de nos envies est un capitalisme sans assise autre qu’une mathématique enflammée du nombre, une machine qui ne veut pas s’arrêter, liée au monde imaginaire. Cette Terre qui se monnaye, on l’achèterait d’un coup, puis la revendrait à un autre, pour autant soit peu…un peu plus de profits. Son plus grand commerce est celui de son or noir, résidu de la titanesque civilisation des dinosaures : suite à un cataclysme qui avait changé le climat et détruit presque toute vie, tous disparus dans la même fosse commune. Nous nous motorisons de ces restes cannibales. Et le vrai sang de ses veines : les réserves d’eaux glacières des montagnes, de son sous-sol et de ses rivières au lit sans nom…Fondues, asséchées, polluées. De cette agriculture qui en dépend et que l’on ne pourra secourir du trop chaud soleil avec un grand arrosoir : ni culture, ni bête, ni homme. Si les pays s’assèchent, et qu’une crise survient, les pays riches, iront-ils partager leur pain qui déjà leur manquerait ? Mais avant cela, cet Homme, non tel l’animal, devrait changer, parce que c’est cet Homme, justement, au cœur de tout. Il fait la régulation des espèces en chassant, afin qu’un surplus de population animale ne se fasse pas elle-même mourir de faim, mais face au désastre des changements climatiques : il accuse «les vaches de péter». Telle dans la fable hébraïque : lorsque tu regardes par la fenêtre, tu vois le monde, mais à se regarder dans la glace, on se contente de soi-même, alors que l’argent nous cache le vrai décor derrière. Civilisation numérique, yeux rivés au moniteur à agiter un avatar, connectée au réseau global, déconnectée du Monde. Maintenant, c’est fini. Finie la douce moiteur de l’été, bienvenue dans un désert de chaleur et de surconsommation. Nous avons prospéré d’Elle, de cette Terre.
« J'aimerais mieux cultiver la terre,
au service de quelque laboureur
pauvre et mal à son aise, que de
régner sur toutes les ombres des
morts. » Homère, Odyssée
Occident, drapeaux en berne
À contrario d’un contexte de surpopulation mondiale, le déclin démographique occidental est indéniable : un taux de fécondité sous la barre regénérationnelle de deux et un taux de vieillissement fort accéléré; soit une baisse généralisée de la masse de sa population. Cela n’est contré que par le fait de son ouverture des frontières à une main d’œuvre dite de remplacement …mais tout en tentant de garder la continuité culturelle . Combien de temps voudront-ils se prêter à ce jeu grotesque?
Le surendettement. Combien de pays ont-ils réellement payé la Grande Guerre? La dette des pays occidentaux a été nourrie par des générations de politiciens, reliquats des démocraties qui mirent en scène la redistribution des richesses, et ce depuis les premiers grands conflits mondiaux : opium de toutes les décadences. Et ces peuples des classes moyennes, à l’instar de leurs gouvernements, se sont eux aussi endettés, tentés par de bas taux d’intérêts, par des années de baisse de leur pouvoir d’achat, liquidés par la politique monétariste et la mondialisation. Le pays s’appauvrit et on pointe les syndicats comme les grands coupables. Trop exigeants, trop privilégiés. « Tu achètes chinois et subventionnes les usines, lorsqu’elles ferment, tu paies encore pour les chômeurs, leur réinsertion, quand c’est possible, ou ultimement leur mendicité. Tu crois économiser en payant pour jeter les travailleurs à la rue?» Quand l’assiette se vide, ce n’est pas le frère d’à côté qui vole le pain, alors que les recettes des états baissent par une triple conjonction : baisse de la production globale de la richesse, par les habitudes de consommation et de la grande distribution, le crédit et par la baisse de la proportion de sa population active. On calcule la dette au prorata de la richesse annuelle produite par le pays et non au prorata de la population active qui est justement celle qui la produit. Ne dit-on pas que la carte de crédit ne devrait servir qu’en cas de pépin, et non d’illusoire presse à billets ? Incapable de rembourser ses crédits ruineux et réduits à l’insolvabilité de ses moyens , quelles options resteront lorsque la crise s’aggravera et sans bien à vendre ni personne pour rembourser? Jusqu’où iront les sacrifices ?
«Les peuples en ont eu raison, mais il ne faut
pas nous chanter victoire, il est encore trop tôt :
le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde.»
Brecht, La Résistible Ascension d'Arturo Ui
Un autre des symptômes de cette fin d’empire est celui de cette gauche mal renouvelée dans cette époque consumériste, et à nouveau attaquée à la gorge par ce vieil ennemi d’hier qui a repris des couleurs, passée de rumeur dormante, bête tapie : la résurgence des fascismes en occident ou plutôt de «crypto-fascisme». Un fascisme qui se cache, se dissimule derrière les régionalismes, qui s’appuie sur les débats identitaires pour se montrer fort, qui se cache pour lever le bras; qui déjà flirte avec le pouvoir. Lorsqu’on se sent en détresse, lorsque le confort disparaît, on en revient à ses instincts premiers : on tente de chercher un voleur. Le nationalisme est une force, mais lorsqu’il tombe à sa forme noire, il devient l’instrumentation haineuse d’une démarche irrationnelle.
«Et les fondements principaux des États,
aujourd'hui comme hier, sont de deux
sortes: les bonnes lois et bonnes armes.»
Machiavel
Maintenant, faisons cette hypothèse. Si dans un contexte environnemental qui rendrait les approvisionnements alimentaires instables, un occident balancier des forces planétaires, à la population affaiblie et embourgeoisée, minée de l’intérieur par la rage; lorsqu’il perdra son confort douillet, et qu’il sentira qu’il devra aller au bout de tout : de la détresse, de la faim, de la haine, de la mendicité. Changera-t-il ou se tournera-t-il vers l’armée, cette institution millénaire qui a servie plus pour le pillage que pour le maintien de la Paix? Y a-t-il lieu de penser qu’elle retrouvera sa fonction première, tels que les événements d’Irak l’ont préfiguré? Celui que l’on convoite deviendra-t-il un ennemi?
Si la conjugaison des événements s’accorde, si ce constat est juste, que devons-nous faire pour défaire ce compte à rebours du déclin de l’empire, pour ne pas revenir au Moyen-âge? Devant les nécessités, le Noir l’emportera-t’il ou les peuples se tourneront vers l’Espoir? Est-ce inéluctable? Inquiétude infondée, mauvaises graines qui en poussant ne se torsaderont pas entre elles?
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